MARTINE KONORSKI REND LA VERITE LISIBLE

D’où écrivons-nous … ? A partir de quel nom invisible ? Sur quelles cendres, déposons-nous le soir … ? Par quelle nuit nous appelons-nous … ? Ainsi s’interroge Martine Konorski au tempo habile d’un mystère à offrir. Elle arpente la poésie avec ferveur, douleur, à paupières éteintes et calligraphie l’empreinte dans un dire de verre. Dans une solitude unifiée, fertile, élégamment tracée, elle souligne nos maturités si imparfaites, nos naissances fragmentées et ces adieux qui nous rendent parfois étrangers à nous-mêmes. Je la cite : « Garder au fond de soi le goût du disparaître ».

Chez Martine Konorski, nous sinuons dans les failles, les ruptures, ces pures réverbérations  du manque à la surface de la peau comme une intensité première. Une expérience sensitive, salutaire, une respiration où la lumière nous atteint et nous accorde. Nous entrons dans le récit des ombres, des luttes quand l’abîme nous courtise du haut de ses magies. Nous marchons, anguleux, sur les frontières poreuses du doute, de la tragédie, des amours à composer, des gammes qui nous sollicitent en chaque souffle, sous chaque pas. Je la cite : « Dans ces nuits balnéaires, notre vide a péri. »

Dans le ventre de l’auteure, le monde attend, s’éprend, féconde sa trace et nous rêve lentement. A l’abri de l’infini, une éternité couve et cuve sa dernière larme. En son prisme, Martine Konorski s’abreuve, fait fondre le marbre puis coule et grave le chemin de la lettre. Dans ces archives du silence, nous déposons nos mémoires, nos incertitudes ordinaires, nos vibrations au ralenti. Je la cite : « Nous sommes si petits au pied des météores. Nus, sans absence. » Les lignes de l’auteure s’ouvrent comme des prières miniatures, inventives, seulement créées pour le cristal. Des infimes vérités gouttent le long de nos reflets, nous en produirons de la lumière.

Chez Martine Konorski se lit une distance. Un sacré nous épure, nous raconte à l’autre et nous résume. « A la mort de la nuit, j’ai confié mon abîme », écrit-elle. Comment entendre ce  qui nous sépare quand la mort nous approfondit … ? Devant l’inquiétude historique, l’effroi tonal des camps nazis, l’auteure use sa solitude et sa « solitude use sa peau. » Comment se reconnaître lorsque la nuit bouge encore au fond du ravin … ? Miroir à cauchemars, prophétie définitive, damnation maîtresse. Avec Martine Konorski, nous recensons nos chutes interminables et nous nous hissons, tremblants à ces « espaces intérieures où l’écriture saigne. » Chez elle, vivre  est une invention arrachée à la terreur.

Chiner le vide avec ampleur pour l’offrir aux mondes désertés. Noircir le Verbe pour s’accorder à la lumière qui nous tend et nous attend. Martine Konorski respire parfois cette parole mercenaire pour se défaire du drame qui nous émeut. La musique polit ses doigts et ses mots, au contact de petites foudres obscures. « Douter au bord de soi. », « Que peut-il arriver par temps de vérité ? » nous dit-elle comme un augure. L’attente pour échelle, l’auteure traduit nos traversées, nos sidérations fugitives, ces regards qui nomment les poudroiements poétiques. Veilleuse, elle renouvelle la matière dont sont faits nos rêves lorsque nous sommes « perdus contre l’étoile ».

Au coeur de l’œuvre de Martine Konorski, règne un visage, une palpitation, une exaltation qui nous enveloppent dans leur trame. Nous suivons ses latences limpides ou en points de suspension, ses déchirures comme une entaille au monde.  Chez elle, l’accueil du manque est l’inquiétude même du désir. Avec elle, nous goûtons aux fruits des exils instructeurs et des modifications intimes et comme l’écrit Jean-Luc Maxence, « nous en acceptons l’espérance ».

Anne de COMMINES

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