Archives mensuelles : novembre 2016

BOJENNA ORSZULAK, MA CHAIR MATURITÉ

Bojenna Orszulak relate le désir et ses aurores. Prismes retenus par la lumière, attentes flottantes, mouvances évasives et rives brûlantes au crépuscule du corps. Elle dompte les nuits incendiaires et les rend sacrales. Vastes préludes aux amours qui la renouvellent. Dans l’hospitalité de l’autre, Bojenna Orszulak recueille les contre-jours, les douleurs anciennes et imprécises, ces imperceptibles clartés fondatrices qui la meuvent. L’auteure révèle les puissances charnelles comme des forces, des filiations primitives, des œuvres qui nous approfondissent et nous signent. « Les miracles sont parfois si discrets qu’ils deviennent invisibles. », écrit-elle avec la pudeur féconde d’un ange.

Chez Bojenna Orszulak, la poésie est croquée comme des tableaux. Les blessures, les cris, la maturation des ombres récitent ses profondeurs et écrivent des scènes. L’âme entre dans ses vers tel un personnage, qui se déploie, la crayonne et la déchire. Je la cite : « Entrer dans les corps, pierres vives, par des chemins de traverse – les paroxysmes des ogives – des sanglots que l’on disperse. » Chez elle, le corps et le lien sont des reliques auxquelles on célèbre des cultes comme on « donne un nom à la nuit. » La beauté appelle, traque, milite pour des transes jusqu’à épuisement et épouse les replis des peaux comme un suaire.

Chez Bojenna Orszulak, le miracle de l’Amour fait jaillir la lucidité. Le long de leurs ébats, les amants reçoivent et extraient les confidences de la lumière. Les gestes ont de l’éclat, travaillent à leur durée, miment les puretés qui les éprouvent et deviennent des visages gravés. « Il me faudra revenir vers vous comme une vague attentive et patiente. » écrit-elle avec ferveur. La poétesse innerve les sentiments, métisse les sens, ouvre les corps telles des offrandes lestées de prodiges. L’Amour devient magie, transfiguration, il assemble en lui le verbe vivant, le précipice et la prière. Avec Bojenna Orszulak, nous célébrons la reconnaissance de l’un par l’autre dans l’emblème de l’évidence.

A travers une écriture précise et brûlante l’auteure implore une nature mystique de la rencontre. En l’autre, elle salue la trace féconde, l’empreinte de notre Solitaire, cette maturité incessante et immobile que nous devons gravir pour nous épouser. Un point nous joint et nous donne rendez-vous dans ses alcôves infinies. Bojenna Orszulak arpente les constellations disciplinées à l’Orient des êtres et transcrit « l’encre translucide » de l’autre comme elle le dit elle-même. Les corps sont des aimants, ils sollicitent les racines et la transcendance sous un ciel veilleur. Je la cite : « Les mots dits, les gestes accomplis, les ponts traversés des regards, les connaissances initiatiques qui nous dévoilent m’ont irriguée de vous. »

Tremblements du mystère, chatoiement des désirs, absolus dont il faut s’imprégner, Bojenna Orszulak dessine les terres de l’Offrande et ses « variations énigmatiques » comme le titre Eric-Emmanuel Schmitt. Elle sacre l’origine et sonde l’âme « dans un trop grand silence ». « Je deviens prière des origines, prière primitive sans parole. » comme elle l’écrit elle-même. Au cœur de l’Amour règne un appel, une insoumission qui se souvient de nous, une érection de la nuit que nous porterons pour nom. Les œuvres de Bojenna Orszulak sont des anneaux, nous épousons ses mots comme des gravités, des vertiges, des poids que sa plume dicte pour nos ascendances.

Anne de COMMINES