Archives mensuelles : mai 2016

CLAUDE BER « D’UNE MAIN MEDITANTE »

Du tragique, Claude Ber compose une symphonie rythmique. Ses lignes se gravent dans la densité des choses et des êtres qui s’ouvrent et se lisent de l’intérieur. Sa parole nous interroge et nous médite comme une seconde nature, comme la substance du miracle. L’auteure traverse la langue en en travaillant la mémoire. Avec elle nous nous hissons à nos sources, approfondissons nos seuils au bord du rien et de l’immense. Claude Ber fait couler sur nous un ciel juste. Je la cite : « il n’y a pas de centre où nommer la chute de la parole dans son nom ».

La mort hante nos ombres et nos ombres libèrent la clarté. La poétesse trace nos chants comme autant de gravités qui nous fondent et nous appellent. Elle résonne sur le silence, livre le langage de l’invisible avec grâce et envoûtements. Livrée en variations, l’auteure nous traverse de sa langue louve et féconde nos nuits telle des boussoles. Chez Claude Ber, l’arcane est habitée, l’abîme travaille au sublime, la beauté sert l’imaginal, la poésie habille nos psychés. Je la cite : « le souffle au 77 noms dans les nombrils accolés. » L’auteure unifie l’inconscient et lui donne une filiation lisible.

Claude Ber creuse la langue, érige son mystère et le sème dans nos destinées. Les mots jaillissent comme des éclairs et taillent en nous des figures qui nous puisent et nous nomment. Strate après strate, l’auteure extrait la beauté comme une eau de vie qui devient dense à la lumière. Je la cite : « quoi de certain à ajouter au minime des destinées ? » Dans un sentiment continu ou par fragments luisibles, la poétesse restitue et assemble nos correspondances secrètes et visitables.

D’une main magique, Claude Ber ensemence la lumière qui nous traduit et relate les impérieuses attractions de l’imaginaire. La solitude pour ambition, l’auteure apprivoise la nuit en nous comme une expérience de l’espoir. Je la cite : « le fait de chair et de vide qui dérive de soi. ». Le rien respire notre histoire et nous abreuve de ses vertiges. Nos corps portent sa trace et en font naître l’apparition comme un augure. Avec Claude Ber, nous calligraphions ce souffle qui nous fait signe. Nous empruntons, je la cite, « ce principe d’incertitude à l’œuvre dans les flocons. »

Ambivalence de l’existence ou fatalité mortelle, l’auteure nous rappelle à notre condition et insiste sur cet « élan demeuré dans la chair ». Entre le cri et le mouvement du manque, nous sommes à la fois essence originelle et transformation continue. Claude Ber interroge en nous cet « amant du secret » comme l’écrit Cendrars et convoque la matière du jour, seul endroit où nous pouvons nous énoncer. Je la cite : « il pleut un avenir craintif ».  Un manque, une absence élective nous séduisent et nous produisent.

Chez Claude Ber, le mystère résonne infiniment dans le corps, il bat et nous éprouve. Nous sommes initiés à l’intimité, aux « blessures si proches du soleil » comme l’écrivait René Char. Dans cette écriture la mort et la vie s’entre-déchirent comme le silence et la foudre, comme des sidérations fugitives et nous tentons de les reconstituer. Rivés au réel, nos corps s’exercent à cette langue mère qui nous couve, nous apprend et nous symbolise. Je la cite : « rapportant le bruit dans le muet des rêves. »

Claude Ber épèle la poésie en sa langue matricielle. Avec elle, nous dessinons nos propres échos et habillons nos visages. Nous côtoyons nos éclats, nos abysses, nos sensualités comme autant de variations nourricières. Comme l’écrit l’auteur, nous épousons « l’infime et sa disproportion ».

Anne de COMMINES