Archives mensuelles : novembre 2014

Monique Goualou nous révèle l’icône comme une matière première

Aux limites du langage, nous cherchons le rythme spectrale de l’image. Elle représente un au-delà du sens et fait signe. Pour reprendre Roland Barthes, nous dirons qu’elle elle est une matière informationnelle. Nous l’identifions, l’interprétons et lui rendons sa légende. L’image démasque l’apparence, prend alors forme d’une apparition et d’une parole vivante qui s’adresse à nous, à nos profondeurs.

Une identité visuelle permet de lire la structure morphologique d’un lieu. Nous pouvons nous le figurer et l’en-visager. Nous passons à la fois par une image médiatrice et visitons sa signalétique. Un pur signe graphique nous conduit à une figuration réaliste. L’iconicité se situe entre l’abstraction et un réalisme optimum. Le dessin fait irruption dans le réel pour en accroître le sens et la narration. Ainsi, par l’image religieuse, nous abordons un imaginaire commun et nous nous approprions l’espace, un contexte et une dynamique universelle. Le signe dénude une réalité, délie une présence qui s’accomplit comme un chant sous l’œil contemplatif. A ce titre, je cite Monique Goualou : « L’Un est inaccessible à l’expression, à la réalité. Ce vide crée un désir, une expression négative, imaginaire, un rêve. Mais pas n’importe quel rêve. Ce vide crée un rêve qui n’est pas  impasse, fuite, éloigné du monde ; un rêve qui est synonyme de recherche de l’Un, d’unité, d’amour ; un rêve qui est une mystique. Par l’amour, ce rêve devient concret, charnel, Assemblée. » 

L’icône est empreinte de lumière et restitue les traces de l’invisible comme le Saint Suaire de Turin. Elle est éclairée de l’intérieur et en cela, l’icône révèle. En elle, le modèle est fétichisé dans une fable indéchiffrable. Celui qui la regarde est-il alors encore sujet ou totalement annexé par la plénitude et la béatitude ?

Les traits de l’icône dessinent l’accès au divin par des lignes de force maîtrisées. Le peintre rassemble la diversité de notre humanité dans une épure sensible et révélatrice. La réalité immédiate devient intrinsèquement surnaturelle par un signe. L’image re-con-nue devient alors un paysage natal sur une échelle imaginaire verticale. Je cite Monique Goualou : « Cette icône a disparu, mais le geste symbolique de la caresse s’est répandu dans l’art de l’icône. Ces figures de l’iconal, gestes de tendresse, larmes, caresses sont des signes de l’humanité dans la divinité. »

Gardienne du Mystère, l’icône répond aux questions que nous posons aux fées et son secret devient un reposoir. C’est une chair spirituelle qui fait irruption dans la matière. C’est une lumineuse éclosion des correspondances où le monde fait corps avec le signe qui l’émet. Dans cette écriture divine, nous partons dans une alphabétique aventure. Lorsque l’icône libère sa présence, nous possédons une éminente nomination.

L’icône nous dévoile une face douée d’une brillante lucidité éprise du vivant et du visible. Le souffle divin cherche là sa propre résonnance dans une patience mûre. Le spectateur est face à l’icône dans une parenté de lumière, le mystère devient alors transparent et nous accédons à la douce lueur du secret qui nous regarde. Les larmes sont une figure de l’icônal. Elles retiennent la Lumière et nous redonnent une face d’homme.

Nous sortons de nous-mêmes et de la sphère de la question pour entendre une réponse infinie et découvrir une civilisation verticale et sacrée. Nous éprouvons là notre propre essor. L’Enigme nous fonde dans sa parole et promesse originelle, nous habitons alors le Mystère qui nous enveloppe de silence. A travers l’icône, nous nous rendons à lui. La réalité devient celle de notre origine et la vérité s’immisce et dessine notre destinée. Devant l’icône, nous trouvons marque de notre initiation à l’existence et devons nommer notre nature véritable pour la rendre possible et vivante.

Au prisme de l’icône, nous enracinons notre symbolisme le plus fertile et nous ouvrons aux voies divines. Je citerai cette phrase de Léo Hartong « Aimez le mystère au lieu de  résoudre l’énigme ». Lorsque nous sommes éveillés à la rumeur de l’Enigme, nous pouvons accueillir le Mystère et laisser advenir sa poésie. 

Anne de COMMINES